On s’est envolés il y a longtemps. On a croisé les frontières quand on était jeunes, très jeunes. On a appris. On a ri et pleuré. On a fait des dizaines d’allers-retours, toujours entre l’ici et le là-bas. On a cru tout connaître. On a pensé tout savoir, tout avoir vu, tout avoir vécu. On s’est intégrés. On a abandonné un certain mode de vie pour en adopter un autre.
Quand vous croyez tout connaître de votre vie à l’étranger… et puis, en fait, non !
Et puis un jour, la réalité vous rattrape. Et la vie vous montre tous ses visages. Les visages d’une vie à l’étranger que je désignerais désormais en perpétuel apprentissage.
Une semaine s’est écoulée. Une semaine où tout plein de petites choses banales se sont passées. Des choses de la vie.
Une semaine où j’ai réalisé que non, je ne connaissais pas tout de la France, qu’il me restait encore plein de coutumes à découvrir, à apprivoiser, à tâtonner, à apprendre.
Seize ans plus tard, continuer à apprendre.
Un triste événement…
Il y a pile une semaine, j’assistais à des funérailles d’une jeune personne, d’un papa jeune, d’un cousin du même âge. Un triste événement qui nous est tombé dessous sans prévenir. Alors que le soleil breton était venu au rendez-vous, sans doute pour sécher les larmes, je rentrais pour la première fois de ma vie dans une église en France pour une si triste chose. J’ai suivi. J’ai suivi les autres. Leurs pas, leurs gestes, leurs regards. J’ai du suivre pour ne pas faire tord. Les larmes ne connaissent pas de langues, de frontières. Mais les gestes, oui. Un pas derrière l’autre. J’ai suivi. L’église, le cimetière. J’ai suivi les cousines, les tantes, les beaux-parents. Mon ChériGuiri étant occupé à porter des fleurs. J’ai suivi. Suivi la belle-famille. C’est à ce moment-là, dans la petite bourgade, sous un soleil plus minorquin que breton, prise par l’émotion, que j’ai eu le temps de réaliser que c’était une première fois.
Une première fois de funérailles à l’étranger.
Et les larmes sont remontées, encore plus fort.
Pour lui. Pour nous.
Pour la distance des jours funestes.
et une belle festivité
Et puis, parce qu’ainsi va la vie, le dimanche, j’ai eu une première belle fois.
Dimanche, ma fille et moi avons vécu ensemble une première fois de kermesse.
Une jolie fête de l’école. Une ambiance très festive, encore une fois sous un soleil de plomb. On m’avait demandé d’accompagner. On m’avait demandé de tenir un stand. Alors voilà, encore une fois, j’ai suivi. J’ai ouvert grand les yeux et j’ai suivi. Le défilé, la petite corde de couleur avec cinq petites mains accrochées. Ils me connaissent, « la maman de Thelma ». Les enfants et sa petite grande mémoire. La « maman de Thelma » qui est venue chanter à Noël. En anglais ? Ah non, c’est en espagnol. J’ai encore eu les larmes aux yeux quand j’ai vu ma fille faire son spectacle. Ma fille, une école en France, un spectacle, une kermesse. J’ai pensé à mes spectacles à moi. Dans mon école, là-bas. Ensuite, j’ai tenu le stand. Et quand je ne savais pas, je demandais.
Ouvrir les yeux et s’intéresser aux manières de faire, facteurs-clé d’une vie à l’étranger
Car oui, je l’ai toujours su et j’en suis plus que convaincue :
Ouvrir grand les yeux et poser des questions, deux éléments indispensables à une vie à l’étranger.
Une semaine où j’ai pris pleinement conscience qu’avoir une vie à l’étranger c’est un perpétuel apprentissage.
Plus j’y pense, plus je réalise qu’il faut avoir connu les bouts du cycle de la vie pour dire qu’on mène une vie à l’étranger pleine et complète : la naissance et la mort.
Une vie. Une boucle.
Et si je m’approchais doucement de cette vie à l’étranger complète ?
Et puis, hier, lundi, j’étais épuisée. Fatiguée. Une semaine à vouloir bien faire. A faire comme eux, comme vous. Une semaine forte en émotions à vouloir tout faire comme une Française : les gestes, les mots, les intonations, les regards. Pour bien faire. Même si je sais qu’eux, ils l’oublient bien souvent que je suis étrangère. Moi aussi. Mais pas tout le temps : dichotomie d’une vieille vie à l’étranger.