Il fait noir et sombre, les passants commencent à marcher la tête en avant, enveloppés dans de grosses écharpes, parfois tricotées avec amour, parfois rescapées d’une veille garde-robe, les mains dans les poches.
Depuis des semaines déjà que les jours raccourcissent et que la lumière commence sérieusement à diminuer. Elle est ici, assise derrière son bureau, le regard posé sur ses petites affaires. De temps à autre, elle lève la vue et elle se heurte à des tas de feuilles volantes qui passent quasi inaperçues sous ce brouillard venu du nord et d’un atlantique qui la surveille de loin. Une fois par jour, sa voisine ouvre les volets, mais elle est trop loin pour lui lever le bras en guise de bonjour.
Trop loin. La distance…
Doucement, l’air de rien et comme prise par un soupçon de nostalgie, elle se dessine une autre vie. Une vie à voix basse qu’ils pourraient mener ailleurs.
Mais ses petites affaires la ramènent à la réalité. A cette réalité qu’elle a construite avec tant d’amour et dont elle est si fière. Des minutes plus tard, quelques heures après que la voisine ait ouvert la porte, elle se retrouve maintenant absorbée par ce petit rouge-gorge qui semble vouloir jouer avec les pinces à linge coloriées et estivales, souvenir des jours de bronzage. Et elle part, loin très loin. Elle se chemine toute seule vers le sud, vers cette méditerranée aux odeurs de fête et de chevaux, vers ces rues de petites villes remplies de gens, de murs blancs et de volets verts, vers ces liens tissés inconsciemment, naturels et sans équivoque qui ne sont plus qu’un vieux souvenir. Elle se dit que là-bas tout serait plus simple pour elle, mais si ce n’était qu’une simplicité caduque ?
Soudain, elle tourne la tête et elle aperçoit une lueur de soleil qui la réveille paisiblement de son état de rêverie en se disant qu’elle est ici et que son là-bas restera à jamais son plus grand soleil.