Bilinguisme

Interview à Coralie : maman d’une famille plurilingue

Je continue aujourd'hui avec la série d'interviews que j'ai initié récemment à des familles bilingues (plurilingues). La première que vous pouvez lire ici en espagnol a suscité un grand intérêt, c'est pourquoi aujourd'hui je vous propose un autre portrait de famille plurilingue très intéressant. Les interviews sont publiés tour à tour en espagnol ou en français, selon la langue de la personne interviewée. Aujourd'hui, je vous laisse avec Coralie, maman d'une famille plurilingue qui habite en Espagne, à Grenade...
Témoignage famille plurilingue

1. Bonjour Coralie, pourrais-tu te présenter 

Je suis traductrice. Une petite fille de 6 ans. Française, je vis à Grenade.

2. Chez vous, il me semble, il y a bien plus que deux langues ? Vous vivez en Espagne mais vous êtes, tous les deux, de nationalités différentes ?

Chez nous, il y a 4 langues. Mon compagnon, Adam, est britannique. Nous nous sommes connus en Italie et donc, nous communiquons en italien. L’arrivée de notre fille (elle est née à Rome) a chamboulé notre mode de vie. À Rome, je parlais français au travail (je travaillais pour une école de langues tout comme mon compagnon) et avec des amis francophones. Mais à la maison, ce n’était qu’en italien. Quand notre fille est née, j’ai commencé à lui parler en français et son papa en anglais. Elle est ensuite allée dans une crèche à Rome. Puis, en 2013, nous avons décidé de changer de vie et nous sommes venus en Espagne. D’abord à Valence puis à Grenade. Et avec ce changement, l’espagnol est entré dans nos vies.
Aujourd’hui, la situation est la suivante. Je lui parle en français et elle me répond en français. Son papa lui parle en anglais et elle lui répond en anglais. Nous parlons entre nous en italien et parfois (quand le sujet l’intéresse 😉), elle nous parle en italien. À l’extérieur (école et activités), elle parle espagnol.

3. Votre fille, elle est consciente de son plurilinguisme ? Comment elle le vit auprès de ses camarades ? Un moment bilingue rigolo, drôle ou, au contraire, triste à partager avec nous ?

Elle est consciente de son plurilinguisme. Elle a compris qu’elle était « différente » très tôt. Lorsque nous sommes arrivés en Espagne, elle a dû batailler, trouver sa place. Elle se rendait compte qu’elle était « en retard » dans l’expression orale en espagnol. Aujourd’hui, elle n’a plus ce problème. Par la lecture, elle a récupéré ce retard, enrichi son vocabulaire et elle vit bien ce plurilinguisme. Elle sait qu’elle est avantagée. Les deux langues étudiées ici sont l’anglais et le français. Elle peut donc aider ses camarades (qui l’ont bien compris !). Dans son école, elle est connue comme la fille qui parle plein de langues.
Les anecdotes liées au plurilinguisme sont multiples. Quand elle était plus petite, elle inventait des mots. Si elle ne savait pas dire quelque chose dans une langue mais le savait dire dans une autre langue, elle faisait des mélanges du genre « Maman, je veux une helade ». Il y a des erreurs qui persistent. Tous les jours, je la corrige sur l’utilisation du pronom « elle » en français. Pour elle, elle l’associe au genre masculin. J’ai beau lui expliquer, la corriger, il n’y a rien à faire. L’influence de l’espagnol est trop forte. Elle dit donc « Lui, il m’a dit » en parlant de sa maîtresse ou d’une copine et « Elle, elle m’a dit » en parlant d’un garçon.

4. Elle est scolarisée dans une école « normale » (ou pas), avez-vous eu affaire à des remarques de la part des enseignants ?

Elle est scolarisée dans une école espagnole (una concertada). L’école est bilingue espagnol-anglais. Elle a donc plusieurs matières en anglais (sciences sociales, sciences naturelles, anglais, théâtre, musique et sports). Elle a reçu plusieurs critiques, enfin nous parents ! On nous a reprochés de lui « embrouiller » la tête.
En maternelle, elle était dans une école bilingue espagnol-français et je me souviens qu’en première année, elle n’avait pas la moyenne en français tandis que tous ses autres camarades avaient d’excellentes notes. Nous avons donc pris rendez-vous et nous sommes rendu compte que notre fille ne souhaitait pas parler français avec quelqu’un parlant principalement en espagnol et ne disant que quelques mots de français. Cela n’avait aucun sens pour elle. Elle associait donc sa maîtresse de français à une maîtresse d’espagnol. Pour nous parents, c’était une chose absolument ridicule. Il n’y a pas eu de remise en question de la part de la maîtresse mais bien, une humiliation de sa part. Car elle savait (pour l’avoir entendue parler) que notre fille parlait français mieux qu’elle !
Cette année, elle entend à longueur de journées « Cassie, ne dis rien car toi, tu sais ! ». Et pas seulement à l’école. Pendant les cours de danse aussi où les cours se font en espagnol et en anglais. C’est parfois difficile pour elle car elle ne doit pas dire les choses mais dès que personne ne sait, on l’interroge. Et être britannique, parler anglais, ne veut pas dire qu’elle sait tout dire en anglais ! Et malheureusement, les professeurs ne le comprennent pas toujours.
Dans deux ans, elle aura aussi des cours de français. Nous savons que son niveau de français sera trop élevé par rapport au reste de sa classe qui commencera tout juste à étudier le français. Avec l’anglais, c’est un peu différent. Tous les enfants ici font des cours extra d’anglais ou voient la télé en anglais. Ils sont donc habitués à écouter la langue. Le français, il faut l’admettre, c’est un peu différent ! Ainsi, quand nous l’avons inscrite, nous avons souligné le problème et le directeur a compris et sait qu’il faudra trouver une solution pour elle. Nous verrons à ce moment-là.

5. En famille, quelle méthode, si j’ose dire, avez-vous installé en termes de langue et de communication ? Et ce, depuis que votre fille est née ou alors vous avez changé de stratégie en fonction de son âge ?

J’ai déjà un peu répondu à cette question. Pour nous, dès le début, nous avons adopté la méthode : 1 langue – 1 personne. Et nous, nous y tenons. Et nous insistons. Elle est très critique avec le niveau de langue des personnes.

Elle n’hésite pas à corriger notre espagnol (en particulier, nos accents). Si quelqu’un lui veut dire deux mots en anglais juste pour pratiquer ou juste pour la faire parler, elle n’aime pas et souvent, elle se refuse de répondre. Tout comme, elle refuse de montrer ses capacités linguistiques : « Pourquoi devrais-je te dire des choses dans d’autres langues si tu ne comprends pas ces langues ? ».

6. Je ne sais pas si vous le savez mais pour moi, une langue est bien plus qu’un simple outil de communication, une langue est un tout, une langue est famille et sentiments. Pour vous, une langue c’est…

Elle a donc bien compris qu’une langue est un outil de communication qui t’ouvre des portes, qui te permet de partager des cultures.

Témoignage famille plurilingue

7. Le quotidien d’une famille plurilingue est difficile, facile… quels sont, d’après vous, les aspects sur lesquels il ne faut pas être intransigeant ? (s’il y en a, bien sûr)

Il faut insister au quotidien. Ne jamais céder. Dans notre cas, nous avons eu de la chance car aucun de nous d’eux est espagnol. Donc, il n’y a pas vraiment de langue dominante. J’ai des amies ici qui sont mariées avec des espagnols et elles acceptent que leurs enfants répondent en espagnol. Parfois, elles les corrigent mais ce n’est pas suffisant. Un enfant a besoin de constance. Il ne comprend pas qu’un jour, on lui interdit de répondre dans sa langue dominante et le jour d’après, on l’autorise.

8. Si on vous demandait des conseils pour élever un enfant bilingue simultané précoce, quelle expérience auriez-vous envie de partager ?

Il y a la communication orale, bien évidemment, mais aussi l’environnement. L’enfant doit pouvoir associer la langue à des choses, à des personnes, à des villes, à des monuments, à des expériences tout simplement. Il faut vivre la langue surtout quand on ne vit pas dans le pays. Nous emmenons Cassandra à toutes les expos possibles en relation avec la France, le Royaume-Uni et l’Italie. Il faut partager nos souvenirs.

9. J’aimerais beaucoup connaître votre avis sur les familles monolingues qui décident d’élever leurs enfants dans le bilinguisme ? Qu’en pensez-vous ?

C’est bien si c’est bien fait ! Le conseil que je donne est d’avoir une baby-sitter ayant comme langue maternelle la langue que l’on souhaite apprendre à l’enfant. Ceci pour plusieurs raisons : pour raconter des histoires, pour l’association 1 langue – 1 personne, pour les comptines (j’ai un très bon niveau en italien mais je ne connais pas toutes les comptines italiennes !). Et ensuite, renforcer avec les dessins animés en langue originale. La télé peut être un très bon outil d’apprentissage.
Par exemple, notre fille a une baby-sitter italienne avec qui elle parle, joue, chante, lit en italien.

10. Envie d’ajouter un dernier mot ?

Le plurilinguisme fascine mais fait peur en même temps. Dans un contexte difficile où beaucoup de politiques font le choix de se renfermer, je pense que le plurilinguisme est ce qui nous permet de nous ouvrir au monde. Quand nous parlons plusieurs langues et les recherches le montrent, nous sommes plus ouverts, plus curieux et donc plus tolérants. Voici ce que nous souhaitons transmettre à notre fille : la tolérance, la curiosité et l’ouverture.

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Vie à l'étranger

Grands-parents à distance (à l’étranger)

Grands-parents à l'étranger

C’est un peu les nouveaux modes de vie, les nouvelles façons de faire, vivre, respirer.

Alors que mon petit moi c’était habitué à vivre loin d’eux, je dois avouer que tout a un peu changé, là, au plus profond de mon cœur, depuis l’arrivée de miss Thelma. C’est bien connu, devenir maman bouscule tout plein de petites et grandes choses, devenir maman fait, inconsciemment, penser la vie, repenser la vie.

C’est alors d’un œil distant que j’observe évoluer ma fille et la relation qu’elle entretient avec ses grands-parents maternels : ses grands-parents à l’étranger.
Grands-parents à l'étranger

Maman n’est pas née en France

Jusqu’à il y a encore peu de temps, ma fille ne maitrisait pas très bien la notion d’espace, comme tous les enfants en bas âge ! Mais depuis quelque temps, elle a conscience que sa maman n’est pas née en France. Je saute sur toutes les occasions pour le lui rappeler : maman ne connaît pas cette comptine ma chérie, elle n’allait pas à l’école en France, maman est venue pour la première fois en France en 1993 car elle a remporté un prix littéraire scolaire dont la récompense c’était un voyage avec les parents à Eurodisney, l’école de maman c’est ton école pour l’été et ainsi de suite.

Elle sait donc, que maman est née à Minorque.
Elle sait distinguer aussi les couleurs du drapeaux bleu-blanc-rouge, c’est la France, papa ! Et elle sait que le jaune et rouge c’est plus du côté de maman.

Moi, je m’en contrefiche des drapeaux, mais il est vrai que ce sont des symboles qui aident à construire ces petits êtres biculturels, de manière toute simple, lors des balades et que l’on lève un peu les yeux.

Yaya et l’avi, ils sont loin

De toute évidence, si maman n’est pas née en France, il y a de grandes chances pour que les grands-parents maternels vivent loin.

Et c’est ainsi qu’une relation atypique se construit, et ce, dès la naissance.

Des pics et des creux

Parce que la relation de miss Thelma avec yaya et l’avi est ainsi : nous connaissons des traversées su désert, des longs mois où elle ne peut pas toucher, embrasser mes parents (même si l’on s’appelle 3 fois par jour) et des périodes très intenses où elle devient le chouchou, le centre d’attention, leur vie, leur tout !

Parce que quand nous venons ici et que nous nous installons dans la maison familiale, miss Thelma devient l’activité principale de mes parents. C’est alors qu’elle en profite tellement ! Et moi, c’est le cœur  en sourire que j’assiste à ce spectacle tout en beauté et qui me fait oublier les périodes de creux.

Parce que les pics font oublier les creux…
Grands-parents à l'étranger Grands-parents à l'étranger

Une relation aux saveurs particulières

Et au fond de moi, je suis contente car (il faut toujours voir le côté positif des choses) je me dis que c’est une grande chance qu’elle a de pouvoir habiter des longues périodes dans la même maison que yaya et l’avi. Leur relation est particulière, étroite, elle adore venir ici même si, quand nous venons toutes seules, « je pense à papa », elle dit maintenant qu’elle est plus grande (moi aussi, j’y pense !).

C’est ici que mes parents reproduisent certains gestes qu’ils avaient déjà eus avec moi, c’est naturel, c’est la vie. C’est ici qu’ils adorent l’amener se balader sur les lieux de mémoire, d’une mémoire de famille. C’est ici que l’on donne du pain aux petits poissons.

Nous faisons le plein d’amour, le plein d’un amour de grands-parents à distance mais qui, finalement, sont si proches !

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Bilinguisme

Comme sur la place de la ville (Enfants bilingues)

enfants Bilingues Nantes

Je pense ne pas avoir tort si je dis que le 8 avril dernier a été une belle journée pour les Rencontres d’Enfants bilingues Franco-hispanophones de Nantes.

Le 8 avril, nous avons battu un record de participation et même si je sais que la quantité n’est pas toujours synonyme de qualité, j’ajouterai aussi que la bonne ambiance de dimanche laisse entrevoir de très bons après-midis à venir pour nos petits bilingues en construction.

C’est toujours avec quelques papillons dans le ventre que je vis les heures qui précédent les Rencontres : la peur d’oublier quelque chose, le souhait de tout bien préparer et, surtout, avec cette envie très forte que les familles-repartent-avec-le-sourire

Certains d’entre nous se connaissent déjà très bien et d’autres pas encore. À chaque nouvelle Rencontre il y a de nouvelles familles et cela signifie que nous devons tisser de nouveaux liens.

enfants Bilingues Nantesenfants Bilingues Nantesenfants Bilingues Nantes

Des familles avec une envie commune : que leurs enfants consolident la langue espagnole

On était 14 familles, ce qui se traduit par un total de 18 enfants, 24 mamans et papas et même 1 grand-mère argentine!

J’ai l’impression que depuis quelques semaines, les familles franco-hispanophones de la région nantaise apparaissent comme par magie…

Chaque famille a une histoire différente avec le bilinguisme. Chaque famille, de par son histoire et sa construction, a créé une relation différente avec l’espagnol et cela se ressent chez les enfants. Comme je le dis toujours, dans le cas du bilinguisme simultané précoce, il N’Y A PAS de recette miracle, il n’y a pas de recette qui fonctionne mieux qu’une autre…

… Mais il est vrai qu’il faut toujours que les parents s’y intéressent et essayent de favoriser la création d’espaces dédiés où leurs enfants puissent développer la langue de façon naturelle
Enfants bilingues Nantes Enfants bilingues Nantes

Enfants bilingues NantesEnfants bilingues Nantes

« Comme sur la place de la ville »

« Comme sur la place de la ville », serait un peu la suite de la phrase « sans pression ni prétention », devise de nos Rencontres depuis sa création.

Parce que je crois fermement aux bienfaits linguistiques de ces lieux de rencontres, des lieux sans trop de règles ni obligations, des lieux où ils peuvent évoluer librement. Comme ils le feraient sur les places de nos villes en Espagne ou en Amérique du Sud.

Evidemment, nous les adultes, nous sommes là pour gérer un peu la Rencontre, lire des livres, jouer avec eux.

Le 8 avril, la Rencontre s’est finie par quelques chants en rond !

A très vite, à la prochaine !

Enfants bilingues Nantes Enfants bilingues Nantes

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