Sacré Manuel Guisande qui dit que…
Pour moi, écrire des contes pour des enfants, à savoir mes contes de Rodribico, est quelque peu pénible. Franchement, je ne devrais même pas dire « quelque peu pénible » mais avouer ouvertement que c’est « pitoyable ». Parce que… et ben parce que tu écris un livre (en occurrence moi, Manuel Guisande) sur, par exemple, des recettes de cuisine, et pas de problème : tu l’achètes, tu arrives à la maison, tu mets ton tablier, tu te mets aux fourneaux et ale hop!! un pur bonheur que de passer des heures à faire la cuisine, à tester ces recettes et à les goûter aussi ! Génial quoi!
Si, par exemple, c’est un roman d’aventures que tu écris (enfin, moi)… et bien, le lecteur se met dans la peau des personnages, même qu’il se transforme, même qu’à minuit il se lève, même qu’il prend un couteau (car oui oui, il est à fond dedans, il se croit à l’Amazone, le pauvre !) et cherche partout dans la maison à trouver cette vipère qui est cachée, jusqu’à qu’Aurore, sa femme, lui rouspète : « Manoooolooooo, retourne au lit!! ». Et le fou de Manolo qui, pour une fois, réagit et à moitié dans le sommeil retourne à la couchette et continue à rêver de l’Amazone et de l’oxyuranus microlepidotus, autrement dit, la vipère. ça, c’est merveilleux !
Mais, et là c’est quand ça devient pénible, non pardon, pitoyable, si ce sont des contes pour des enfants qu’on se met à écrire : quel est le plus grand succès que tu peux espérer ? Que le gamin fasse voler son imagination…? et ben, non ; que le gamin apprenne des formes et des couleurs ? et ben, non ; la différence entre panthère et lion ? et ben, non ; qu’il ouvre les yeux comme des billes pendant qu’il est en train de lire ou qu’on lui lit le conte ? et ben, non, c’est justement bien au contraire : le plus grand succès est que le gamin s’endorme !!
Et c’est pour ça que je dis : My Gog My God ! C’est horrible de penser que je peux être heureux en écrivant des contes qui servent à faire dormir !!! Mais qui peut aimer cela ! C’est pitoyable, oui, oui, je le répète encore, c’est pitoyable puisque je prends le temps et le soin de penser aux choses que les enfants peuvent aimer, je mets toute mes neurones à contribution, je deviens à moitié fou, j’écris, j’écris, je me fatigue… et qu’est-ce qu’il fait le gamin ? S’endormir. Pfff, s’endormir ! Ce n’est même pas imaginable. Quelle déception !
Avouez-le, dites-moi que j’ai raison : c’est pénible, n’est-ce pas ? Et ben, vous savez quoi ? Il y a encore pire. Le pire, le vraiment horrible dans cette histoire qui est celle d’écrire des contes pour des enfants reste encore à venir. Le terriblement pire est de se retrouver face à face dans la rue avec le père, oui, le progéniteur qui d’un immense sourire et d’une petite tape sur l’épaule te lâche le morceau : « Eh Manuel, tes contes ils sont tout simplement géniaux ! Oui Manuel, oui, il suffit de commencer à les lire et ben, écoute, c’est formidable, mon petit il s’endort comme un loir, comme un loir !! »
Et c’est parce que je suis poli et que je sais me tenir, mais, sincèrement, quand j’entends cela, j’ai juste envie de dire à ces parents : « et vous, il parait que vous n’en avez pas besoin de contes, non ? parce que tu ne m’a pas l’air très éveillé !!!
Moi je vous le dis, attention à la littérature pour enfants !!!
Rodribico aprende a voar
Baia Edicions
Auteur: Manuel Guisande
Illustrations: Xosé Tomás