Je lui avais dit qu’elle finirait par trouver. C’était clair, cela ne pouvait pas se passer autrement. J’essayais tout le temps de lui faire comprendre, de lui expliquer avec des mots doux, sans la blesser, j’y mettais toute mon affection mais elle n’y croyait pas vraiment. Elle était triste sans pleurer, et elle rigolait sans y croire. Elle était présente en étant loin.
Elle avait perdu tout espoir. Cet espoir qui nous fait toutes vivre, papillonner, voler et se sentir légères. Pourtant c’était une jolie fille d’un cœur encore plus beau et grand. Mais son regard tournait au vide, il était sombre et languide.
Moi je l’aimais énormément, on s’était rencontrées dans des circonstances exceptionnelles, dans un va-et-vient sentimental, dans une espèce d’incertitude sur notre avenir, dans une ville étrangère à tout repère. Nous avions tissé, tricoté, patchworké et créé des liens énormes que plus jamais personne ne serait capable de détruire. C’est cela l’affection, c’est cela l’amitié, c’est cela aussi une forme d’amour.
A chaque fois, donc, qu’elle me téléphonait en larmes, j’avais beau chercher au plus profond de mon cœur, il n’y avait pas de soulagement possible. J’avais beau aller chercher les plus beaux mots du dictionnaire, ils ne servaient pas non plus à grande chose.
Mais la vie passe, elle continue, fait et défait son chemin. Elle était toujours là, cette copine adorée qui ne trouvait pas l’amour. Passé la trentaine elle commençait à assumer mais je le savais, elle ne faisait que voiler son cœur ; la tristesse continuait bien présente. Nous voyagions, nous rigolions, des petites soirées sympas à papoter entre filles, mon homme étant resté à la maison, et c’est là que sans le vouloir et à l’abri d’oreilles médisantes, elle entamait une petite conversation : « eux, ceux que je rencontre, ils ont toujours peur de l’engagement », et voilà que c’était parti pour une demi-heure de débat, que oui, que non, je lui disais que c’était juste parce que ce n’était pas le bon, s’il était amoureux pour de vrai il voudrait s’engager, ça irait de soi, il y aurait plus de questions à se poser. Or elle continuait à pleurer, à méditer, à se poser trop de ces questions parfois malsaines.
La roue tourne, et j’en étais bien contente, évidemment elle avait gardé le secret pour elle, on ne partage que quand on est sûres, il y a des règles non établies que tout le monde suit. La roue avait donc tourné. Et comme une gamine sur un manège elle rigolait, elle profitait de la vie, elle était folle d’amour ! Elle était ravissante !
Le grand rendez-vous avait eu lieu quelques mois avant, la coquine qui gardait le silence 🙂 Le silence et la crainte, la crainte de ce qu’on allait dire, de ce que les gens allaient penser quand ils le sauraient. Parce que le sujet est encore un peu tabou. Des milliers et des milliers de personnes utilisent la Toile pour chercher et pour trouver. Elle aussi elle l’avait fait et elle non plus ne voulait pas l’avouer.
Avec sa petite robe fleurie, son bandeau qui ornait sa belle chevelure et main dans la main, yeux dans les yeux ils sont venus me rendre visite. Enfin j’allais croiser le grand cavalier, chaussure à son pied, prince de ma princesse. Ils m’ont tout dit. Et j’ai rigolé, parce qu’ils ne s’étaient pas tout dit le premier jour, il parait que c’est mieux comme ça, les premiers rendez-vous, qu’il faut garder certaines choses, garder un peu de son jardin fleuri. Les mots sont aussi des armes et les âmes au nu trop fragiles. Après tout va comme sur des roulettes !
Et puis on a encore eu plein de petites soirées entre filles, rien qu’à nous deux, à partager ce même bonheur qu’est l’amour, à nous projeter, à rêver de notre avenir et à rigoler de toutes les larmes qu’elle avait versées, elle remerciait le jour où elle avait décidé de croire de nouveau en l’amour !