Samedi dernier, le 19 juin 2010, j’ai eu l’occasion de participer au Marché de la Poésie de Paris. L’Institut Ramon Llull m’avait confié la tâche de présenter l’acte « La poésie catalane chez Illador« , maison d’éditions pour laquelle je collabora régulièrement en tant que traductrice. Je vous livre, ci-dessous, une partie de mon intervention sur le travail de traducteur de poésie :
Traduire de la poésie, tâche pas facile…
Si on reprend dès le début, si on se situe à l’aube de la naissance des Editions Illador, je dirais qu’il faut surtout mettre en valeur le rêve d’une éditrice que j’ai eu, en quelque sorte, le plaisir de partager.
Parce que des fois on m’a demandé : Vous faites quoi dans la vie ? Mmm, petite hésitation et je me lance à répondre : Je corrige des textes, je fais le tri de documents, des mises en page et parmi d’autres choses et de temps en temps je traduis aussi des poèmes… Ah bon ! Et la réponse s’arrête la, ils ne savent plus quoi dire, et j’ajoute « curieuse occupation » c’est la phrase (et je suis gentille) qui doit traverser l’esprit de la personne qui m’a posée la question… Parce qu’un poème, cela ne se traduit pas, un poème, c’est difficile, et puis encore, un poème ! personne ne lit des poèmes…
Comment garder le rythme et l’émotion ? Prétendre le retrouver dans une autre langue, tâche bien ardue ! L’argument de l’intraduisibilité est aussi vieux que la traduction, on connaît tous le « traduttore traditore ».
Mais sans traductions, non seulement nous serions plus pauvres de tous ces textes qui nous sont inaccessibles dans leur langue d’origine, mais les langues et les cultures aussi seraient bien moins mobiles, bien moins ouvertes les unes aux autres, et par conséquent, bien moins riches. Et je n’aurais jamais pu faire partager un morceau de ma terre sans ces poèmes choisis par Illador.
Mais reconnaissons que pour savoir traduire il faut aussi savoir jongler. Choisir parmi les paramètres : renoncer à la rime, ou à tel jeu de mots, à une référence intertextuelle. Et il faut aussi bien avouer que dans ces choix il y a une part bien liée à la sensibilité du traducteur qui face au papier essaye de faire de son mieux. Il vaut mieux connaître la sensibilité du poète, ou bien maîtriser la langue ? Je laisse la question en l’air….
Que faire quand le texte source combine les registres linguistiques ou les variations régionales ? Tel est le cas dans la poésie des poètes majorquins qu’Illador a choisi de traduire… Les variations dialectales sont quasi impossibles à transposer. Souvent le texte source, qui nous semble tellement ‘authentique’, crée en fait une langue locale difficile à transposer. Mais le savoir peut aider le traducteur qui a son tour fera intelligemment appel à quelques signes ou quelques marqueurs régionaux, sans embarquer des lecteurs dans l’un ou l’autre dialecte.
En guise de conclusion je dirais qu’en traduction, qu’elle soit littéraire ou économique, les deux conditions essentielles à remplir sont les mêmes : comprendre le texte source, maîtriser suffisamment la langue cible pour que le texte produit fasse chanter les mots sur la même musique. Ici, la musique des iles, musique d’un peuple fier de ses origines et de sa langue.