Alors que je travaille indifféremment dans trois langues, il y a quelque chose en moi de presque inexplicable qui fait que quand je dois m’asseoir pour écrire, pour (m)écrire, pour vous raconter des choses à vous, pour faire une petite liste de peu importe, pour noter des idées, pour prendre des notes au téléphone et bien c’est le français qui prend le devant ou le dessus, je ne sais plus. Et parfois, je m’interroge. En fait, je m’interroge tout le temps.
Je pourrais appeler cela une traversée linguistique, une sorte de voyage à sens unique, ou alors un amour inconditionnel, je ne sais pas, je ne sais plus. La seule chose que je sais et que je constate est que même lors des têtes à têtes avec moi-même c’est le français qui l’emporte.
Certes, je me suis tellement trimbalée avec des dictionnaires bilingues dans mes valises depuis mes 15 ans que ça a du laisser des empreintes. Certes, j’ai évoqué à maintes reprises mon amour pour la langue de Molière « mais bon quand même », me dis-je à voix basse et même à voix haute !
Je m’interroge sur plusieurs points :
Blog et réseaux sociaux
La plupart des gens habitant à l’étranger tiennent un blog dans leur langue maternelle et sont actifs sur les réseaux sociaux dans leur langue maternelle alors que moi je peine à remplir lesmotsdemarguerite version ES et que j’ai toujours plus d’engagement et de retombées sur mes posts écrits en français ! Pourquoi donc ?
Depuis la crise de 2008 et le départ à l’étranger de nombreux citoyens (Espagnols partis en Allemagne, Français au Canada, etc.) les blogs de gens qui habitent ailleurs et qui expliquent leur mode de vie à leurs compatriotes prolifèrent ! Je me dis que j’ai perdu un bon filon mais pour ça, il aurait fallu mettre en retrait mon français.
(Non) Nécessité de se regrouper par langues
Quand je rencontre d’autres gens vivant à l’étranger, d’autres gens hispanophones ou catalanophones comme moi, je sens en eux un besoin de se rencontrer pour pouvoir pratiquer leur langue alors que moi… je crois que je m’en fiche (j’aimerais simplement trouver un groupe sympathique où ma fille puisse pratiquer l’espagnol, pour le catalan, je ne m’en fais même pas).
Spontanéité de l’écriture
Lors de rencontres, de réunions ou d’autres évènements où parmi le public il y a des gens dont la langue maternelle n’est pas le français, je fais ma curieuse et je constate que la prise de note se fait pour la plupart d’entre eux dans leur langue. Et bien, pas moi.
Nécessité de reconnaissance ou plutôt un besoin de se fondre dans la masse ?
A des moments (de lucidité) je me dis que tout cela vient du fait qu’au début je volais passer par « une de plus », comprendre par là, une Française de plus, une voisine de plus, une étudiante de plus, une travailleuse de plus… J’ai toujours dit que ce n’est qu’en côtoyant les locaux qu’on apprenait vraiment la langue, les coutumes et habitudes et les petites manies, oui, aussi aussi ! J’ai toujours essayé d’éviter les milieux trop expats, même à Bruxelles où s’est plutôt difficile de les éviter quand toi-même tu en es une.
S’écrire en langue étrangère
J’ai expliqué aussi à maintes reprises que ce blog est notamment né comme un défi d’écriture : d’écriture en langue étrangère ! J’ai peut-être poussé le défi trop loin car je me dis qu’il a peut-être eu des effets secondaires sur mes langues maternelles, je ne sais pas, je ne sais plus. J’ai aussi expliqué, dans un autre article, ce que c’est que d’écrire en langue étrangère et l’heure est venue de m’interroger sérieusement sur le fait de pouvoir écrire ou pas dans une langue qui n’est pas la maternelle. Parce que parfois, le verbe « pouvoir » rime avec « avoir le droit », non pas pour un blog mais pour un livre, par exemple ? Certains grands écrivains l’ont fait mais ils ne sont pas si nombreux que ça. Les écrivains africains francophones appellent cela «écrire en langue seconde », c’est joli je trouve…
Voilà un article qui pourrait s'éterniser, un sujet sur lequel je pourrais discuter tous les jours, ça me passionne, ça m'interroge, ça me fait vivre, aussi !